Que sera le nouveau visage de l'Assemblée nationale ?

À la suite des résultats catastrophiques de la liste de la majorité conduite par Valérie Hayer aux élections européennes, le Président de la République a annoncé le 9 juin la dissolution de l’Assemblée nationale. Le Rassemblement national a triomphé avec 31,4 % des suffrages exprimés.

Emmanuel Macron, par cet acte inédit, souhaite établir « un vote de clarification » pour agir pleinement au service des Français. Les candidats élus le 7 juillet prochain le seront pour une durée de cinq ans. Ainsi, la présidentielle et les législatives n’auront plus lieu la même année, à moins de provoquer une nouvelle dissolution (un scénario très probable). Le 1er tour des élections se tiendra le 30 juin tandis que le second tour aura lieu le 7 juillet.

Projections de l’Assemblée nationale

Le RN obtiendrait 31 % des voix au premier tour des élections législatives le 30 juin devant l’alliance de gauche située à 28 %, la majorité présidentielle à 18 % et LR à 6,5 %, selon un sondage Elabe pour BFMTV et « La Tribune du Dimanche » publié le 12 juin, qui donne une majorité relative en sièges au parti de Jordan Bardella à l’issue du second tour le 7 juillet.

En fonction du rapport de forces actuel mesuré dans les intentions de votes et du résultat aux élections précédentes, le Rassemblement National obtiendrait entre 220 et 270 sièges, l’alliance de gauche entre 150 et 190 sièges, Renaissance et ses alliés entre 90 et 130 sièges, LR/DVD entre 30 et 40 sièges et les autres forces politiques entre 10 et 20 sièges. Ce sondage a été réalisé avant la conférence de presse du chef de l’État Emmanuel Macron.

Selon cette enquête, 57 % des inscrits sur les listes électorales se disent certains d’aller voter et 10 % l’envisagent sérieusement. 58 % des Français (et 56 % des électeurs LR) estiment qu’Éric Ciotti a eu tort de se prononcer pour un accord avec le RN. 43 % des Franççais considèrent que le RN va remporter les élections, 10 % misent sur l’alliance de gauche et 10 % sur la majorité présidentielle, quand 37 % ne savent pas encore.

Analyse des résultats du RN

Le Rassemblement national (RN) creuse un écart considérable (17 points) avec la liste de la majorité présidentielle. Jordan Bardella, tête de liste RN, a réussi à faire sauter le plafond de verre du vote RN. En somme, le marqueur frappant réside dans l’homogénéisation du vote Bardella sur l’ensemble du territoire et son extension sociologique jusqu’à la base électorale. Il est également possible d’observer une quasi homogénéisation intergénérationnelle, incluant les électeurs les plus âgés, qui jusque là votaient peu pour le RN. Les deux seules catégories qui échappent à ce raz de marée sont les retraités CSP+ (ce qui explique le retour de la réforme des retraites dans les propositions) et les personnes les plus aisées.

Différents scénario possibles

1) Le scénario de la confiance

Le premier scénario, espéré par Emmanuel Macron (cf. sa conférence de presse du 12 juin), est l’émergence d’un « bloc central » qui résisterait au vote RN et au vote de gauche selon lui sous l’influence de LFI. Il bénéficierait alors de la majorité absolue à l’Assemblée. Emmanuel Macron, qui fait « confiance aux Français », considère que la tension va retomber et que les électeurs ne souhaitent pas véritablement placer Jordan Bardella à Matignon.

Ce scénario paraît assez irréaliste quand l’on songe aux 6,1 millions d’électeurs qui n’ont pas voté pour la liste de la majorité présidentielle et donc pour la continuité du pouvoir actuel. Le Président de la République compte en effet sur un réservoir de voix qui existerait encore alors que dans les faits ce dernier semble épuisé.

2) Le scénario de la majorité absolue du RN

Le 2e scénario est celui d’une majorité absolue pour le RN. Si cela paraît difficile, avec le contexte actuel, tout peut arriver. En effet, le scrutin majoritaire à deux tours empêche historiquement et mécaniquement une confirmation du RN au second tour. Pour rappel, ce sont 577 élus qui composeront la future Assemblée nationale (17ème législature). Si un parti politique ou une coalition de partis obtient 289 sièges ou plus, alors une majorité absolue se dégage (à l’image d’Emmanuel Macron qui avait obtenu 350 députés LREM en 2017 ).

Dans ce cas, le Président devra appeler Jordan Bardella à Matignon pour une cohabitation.

Ce scénario, de prime abord irréaliste, mérite toutefois que l’on s’y attarde. Les multiples allocutions télévisées du Président Macron pour proposer des solutions au mécontentement des Français produisent un effet contraire et revigorent le vote de contestation. En bon lecteur de Machiavel, Emmanuel Macron peut également tendre un piège à Jordan Bardella en l’aidant à accéder à Matignon afin de discréditer le RN à l’approche des JOP 2024 et ainsi détruire l’extrême droite pour 2027.

3) Le scénario de la majorité relative du RN

Le 3e scénario, plus plausible, serait une majorité relative du RN, qui n’atteindrait pas les 289 sièges nécessaires. Il faudra alors trouver un chef de gouvernement qui bénéficie d’une majorité parlementaire. Celui-ci cherchera à se tourner vers les députés LR qui ne se sont pas encore ralliés au RN avec l’aide d’Éric Ciotti et de Marion Maréchal, en espérant que ceux-ci acceptent de soutenir le gouvernement sans y participer ou bien de convaincre certains d’entre eux d’accepter des portefeuilles ministériels. Les LR pourraient être tentés de jouer cette carte afin de stabiliser la crise politique et de modérer les ardeurs du RN. Il s’agirait ici aussi d’une situation de cohabitation.

Ce scénario nous semble être le plus réaliste. C’est pourquoi Marine Le Pen a ouvert la voie à une possible coalition avec de nombreux élus mécontents de la politique d’Emmanuel Macron. Les députés LR joueront ici un rôle clé.

4) Le scénario du nouveau Front populaire

Le 4e scénario est celui de la victoire du nouveau Front populaire qui regroupe les Insoumis (LFI), les Socialistes (PS), les Communistes (PCF) et les Écologistes (EELV). Raphael Glucksmann, tête de liste PS aux européennes, a obtenu environ 14 % des suffrages en piochant dans l’électorat de gauche de Valérie Hayer et en séduisant les LFI modérés. La proposition de placer Laurent Berger, ancien secrétaire général de la CFDT, constitue un atout majeur.

Malgré un dynamisme certain, une capacité à s’unir et à proposer un programme en commun, obstacle majeur pour l’union des droites à ce stade, ce scénario semble peu plausible au vu des faibles scores électoraux de ces partis sur le plan individuel qui ne sont unis que pour faire barrage au RN alors qu’ils demeurent en réalité profondément divisés sur des sujets essentiels comme la guerre en Ukraine, la situation au Moyen-Orient ou encore l’Union européenne.

5) Le scénario du chaos parlementaire

Le dernier scénario est celui du chaos parlementaire, une situation de désordre total, où aucune des trois principales formations politiques (RN, nouveau Front populaire et actuelle majorité présidentielle) ne parviendrait à obtenir de majorité relative par les urnes pas plus qu’à nouer de coalitions dans l’hémicycle. Il serait alors très compliqué pour le Président de choisir un Premier ministre et la crise politique serait majeure, à tel point qu’elle pourrait le contraindre à démissionner en laissant, dans l’intervalle, la gestion du pays au président du Sénat, Gérard Larcher, 2e personnage de l’État.

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